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🍓Henri IV : l'art de fĂ©dĂ©rer

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🍓Henri IV : l'art de fĂ©dĂ©rer

Si son panache blanc est aussi célÚbre, c'est qu'il y a une raison. La voici ...

Alexandre Zermati
Sep 21, 2022
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🍓Henri IV : l'art de fĂ©dĂ©rer

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On vous a transféré cette édition ?


Hello la communauté Inspistorique !

Cette semaine, nous nous plongeons dans la France du 16Ăšme siĂšcle marquĂ©e par les affrontements religieux. C’est dans le chaos de cette guerre civile qu’Henri IV devient roi de France. D’une partie seulement


Allez, on appuie sur l’accĂ©lĂ©rateur de la De Lorean đŸŽïž pour entrer dans un curieux endroit du Montmartre des annĂ©es 20. Partons Ă  la dĂ©couverte d’une relique bien singuliĂšre. đŸ‘‡đŸ»


Nous sommes en 1925.

Dans son petit musĂ©e de Montmartre, le brocanteur Joseph-Emile Bourdais expose des tas de curiositĂ©s accumulĂ©es tout au long de sa vie. Si vous le lui demandez, il vous montrera SA dĂ©couverte. C’est une relique unique qui lui sert de support pour raconter des histoires que beaucoup jugent extravagantes.

A tort ?

La plus cĂ©lĂšbre a traversĂ© le XXĂšme siĂšcle pour arriver jusqu’à nous.

Cette tĂȘte momifiĂ©e aurait Ă©tĂ© “volĂ©e” Ă  son propriĂ©taire en 1793 lors de la profanation par les rĂ©volutionnaires des tombes de la Basilique Saint-Denis qui abrite alors les dĂ©pouilles royales.

Le brocanteur en est sĂ»r : il s’agit de la tĂȘte d’un roi. Et pas n’importe lequel.

Le roi Henri IV est certainement l’un des plus connus et des plus populaires. Chaque Ă©colier a dĂ©jĂ  pu apprĂ©cier les portraits du Vert Gallant, tĂȘte vissĂ©e sur sa Fraise, ces immenses collerettes Ă  la mode au 16Ăšme siĂšcle.

Monarque, il a pourtant Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ© par plusieurs PrĂ©sidents de la RĂ©publique comme Vincent Auriol ou Nicolas Sarkozy. Il semble faire aujourd’hui l’unanimitĂ©.

Et pourtant


La France du 16Ăšme siĂšcle est en guerre civile. Jacques Bainville dans son Histoire de France Ă©voque 4 millions de morts. La Saint-BarthĂ©lemy et l’assassinat du duc de Guise ont marquĂ© les esprits. Henri de Navarre devient roi aprĂšs l’assassinat d’Henri III.

La partie n’est pas gagnĂ©e pour le mari de la reine Margot.

“PitiĂ©, confusion, misĂšre partout” Henri IV

Le 2 aoĂ»t 1589, lorsqu’il devient roi par la lĂ©gitimitĂ© que lui confĂšre la loi salique, un sixiĂšme seulement du royaume lui fait allĂ©geance. La Ligue catholique, infĂ©odĂ©e Ă  l’Espagne, rĂšgne sur le reste du territoire, y compris Paris.

Pour “amadouer” le pays, le roi sans trîne propose solennellement trois principes :

  • la religion du royaume restera la religion catholique, apostolique et romaine,

  • lui-mĂȘme, pourtant protestant, demande Ă  ĂȘtre instruit dans la religion catholique,

  • enfin, il s’achĂšte des alliĂ©s et s’évite encore plus de dĂ©fiance en maintenant les charges et privilĂšges des officiers.

Comme nous l’apprend Jean-Christian Petitfils dans sa biographie d’Henri IV, la manƓuvre n’aboutit pas au rĂ©sultat escomptĂ©. Pire, ses camarades huguenots font dĂ©fection tout comme sa femme, la fameuse reine Margot.

“Roi sans royaume, gĂ©nĂ©ral sans argent, mari sans femme” Henri IV

Avec ce qui lui reste d’armĂ©e, d’argent et de volontĂ©, il arrive Ă  conquĂ©rir quelques territoires comme Dieppe ou Ivry (le jour du “Panache Blanc”).

Mais le gros morceau, c’est Paris. HĂ©las, 40 000 hommes pĂ©rissent lors du siĂšge.

Il est urgent de changer de stratĂ©gie. C’est ce qu’il va faire.

Henri IV a compris qu’il fallait charmer et amnistier d’abord

Devant les difficultĂ©s rencontrĂ©es Ă  Rouen et Paris, Henri de Navarre opte pour la conversion le 25 juillet 1593 aprĂšs l’avoir longtemps retardĂ©e. Ce “saut pĂ©rilleux” lui ouvre petit Ă  petit toutes les portes du royaume et tue lentement mais sĂ»rement la Ligue catholique.

“Paris vaut bien une messe” citation apocryphe d’Henri IV

Henri IV s’attache à se faire connaütre dans tout le pays tel que nous l’imaginons aujourd’hui : jovial et accessible. Il parcourt tout le territoire. Chaque kilomùtre du royaume lui est familier.

Ainsi, Eléonore de Médicis dit de lui :

“C’est un homme à se faire aimer des pierres”

Il place la politique d’union du royaume au-dessus de tout. Les membres de la Ligue, les frondeurs, les anciens ennemis ne sont pas punis aprĂšs le siĂšge de Paris. Peu importe le camp choisi par un tel ou un autre, le roi pardonne et parfois met la main au portefeuille pour “conquĂ©rir” les derniĂšres poches de rĂ©sistance.

“Je reconnais que toutes mes victoires viennent de Dieu, qui Ă©tend sur moi sa main, encore que j’en sois indigne et comme il me pardonne, aussi veux-je pardonner, et oubliant les fautes de mon peuple, ĂȘtre encore plus clĂ©ment et misĂ©ricordieux envers lui que je n’ai Ă©tĂ©â€ Henri IV

On retrouve cette logique d’amnistie dans un des articles de l’Edit de Nantes qui interdit les poursuites judiciaires en reprĂ©sailles d’actes commis aprĂšs 1585, soit 13 ans avant la signature du document :

“La mĂ©moire de toutes choses passĂ©es d'une part et d'autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu'Ă  notre avĂšnement Ă  la couronne et durant les autres troubles prĂ©cĂ©dents et Ă  leur occasion, demeurera Ă©teinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis Ă  nos procureurs gĂ©nĂ©raux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privĂ©es, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procĂšs ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit”

Le contraste entre cette posture et celle des Ligueurs, notoirement tyranniques, est saisissant. Paris fait l’objet d’épurations rĂ©guliĂšres et violentes, de jugements sommaires et de pendaisons Ă  tout-va. De quoi raviver l’envie de paix et de monarchie au sein de la population.

Charmer tous et tout le temps, c’est ainsi qu’Henri IV installe petit Ă  petit son personnage, son rĂŽle, son destin. Mais attention, s’il est doux sur la forme, il est dur sur le fond et n’a qu’une seule idĂ©e en tĂȘte ; la fin de la guerre civile.

Henri IV a compris le rĂŽle des “mĂ©dias”

Cette posture d’homme ouvert est largement diffusĂ©e sur le territoire au travers d’Ɠuvres qui illustrent l’accueil offert par le roi aux ex-liguĂ©s :

Le site Histoire Par l’Image dĂ©crypte la symbolique de ce tableau de Jean Le Clerc :

  • Le personnage de gauche reprĂ©sente la Ligue, hypocrite derriĂšre un masque qu’elle quitte.

  • Le personnage de droite est un soldat de l’armĂ©e d’Henri IV reconnaissable Ă  son Ă©charpe blanche (accompagnĂ©e des plumes blanches sur le casque, le fameux “panache blanc”) et Ă  sa main tendue et amicale. L’épĂ©e reste dans le fourreau.

  • Enfin, le personnage central est un ex partisan de la Ligue, lui tournant le dos pour bientĂŽt se rallier au camp d’Henri de Navarre.

Toute la stratĂ©gie d’Henri IV tient dans cette image.

“Un appareil de propagande se met alors en place afin de diffuser messages panĂ©gyriques, placards, estampes, caricatures mĂȘme. S’accompagnant de quelques traits - la cuirasse, l’écharpe blanche, le panache, la fumĂ©e des batailles ou des siĂšges -, les gravures insistent sur ses vertus hĂ©roĂŻques” Jean-Christian Petitfils

Finalement, c’est cette image qui nous ait parvenue au travers des siùcles.

Henri IV cherche l’accord minimum viable

Le grand Ɠuvre d’Henri IV reste l’Edit de Nantes, signĂ© le 13 avril 1598.

Son objectif est de mettre fin Ă  36 ans de guerres de religions entre catholiques et protestants. NĂ©gociĂ© entre reprĂ©sentants des deux cultes, il comporte 92 articles officiels, 56 articles particuliers et deux brevets. C’est un accord politique et territorial.

Il est restĂ© dans l’Histoire comme le premier acte instaurant la libertĂ© de croyance.

Il est aussi largement en faveur des protestants qui prennent possession de certains territoires, protĂ©gĂ©s par l’armĂ©e du roi qui plus est.

Cependant, il installe un d’Etat dans l’Etat incompatible sur le long terme avec la vision du monarque :

“Dans l’esprit du roi, c’est un Ă©dit transitoire, mais qui a l’avantage d’arrĂȘter les massacres. On peut le comparer Ă  un armistice laissant chacun camper sur ses acquis.” Jean-Christian Petitfils.

Le sceau de l’exemplaire envoyĂ© au Parlement de Paris est le symbole de cette ambiguĂŻtĂ©.

Selon les historiens du XIXùme siùcle, celui-ci est jaune, ce qui signifie que l’Edit de Nantes est un accord temporaire. Avec le temps, il aurait bruni cachant sa couleur initiale.

Or, les Ă©tudes faites sur le sceau montrent aujourd’hui quelques signes de pigment vert, la couleur des accords permanents. Peut-on imaginer que la mauvaise qualitĂ© de la cire a petit Ă  petit dĂ©colorĂ© le sceau royal ? Ou est-ce un tour de passe-passe du monarque ?

C’est encore un sujet de discussion entre historiens plus de 400 ans aprùs.

Toujours est-il qu’avec cet accord, Henri IV atteint son objectif : mettre fin à la guerre civile et faire co-exister protestants et catholiques.

Conclusion

Le 16 mai 1610, le fanatique catholique Ravaillac se jette sur la voiture du roi et le tue, signe que les tensions religieuses sont encore prĂ©sentes. La rĂ©vocation de l’Edit de Nantes en 1685 interrompt le principe de libertĂ© de croyance.

Mais c’est une idĂ©e qui a du souffle, et l’Edit de Versailles de 1787 met fin dĂ©finitivement aux persĂ©cutions contre les protestants.

En 2010, 19 scientifiques confirment l’histoire extravagante de Joseph-Emile Bourdais : la tĂȘte achetĂ©e 3 sous est bien celle d’Henri IV. Si cela est vrai, peut-ĂȘtre pense-t-elle Ă  la promesse faite au Pape Paul V il y a plus de 400 ans :

“Si j’avais deux vies, j’en donnerais volontiers une pour satisfaire Sa SaintetĂ©. N’en ayant qu’une, je dois la garder pour son service et l’intĂ©rĂȘt de mes sujets.”


🧠 Ce que nous pouvons retenir d’Henri IV

  • Afin de fĂ©dĂ©rer, Henri IV a misĂ© sur sa jovialitĂ© et son humour. Cela rend plus aisĂ© le dialogue avec les partisans et les opposants.

  • Mais il ne lĂąche rien sur son objectif : le retour de la paix intĂ©rieure du royaume.

  • C’est d’ailleurs objectif simple Ă  Ă©noncer : rĂ©tablir la paix.

  • Henri IV a parcouru tout le royaume et semble d’autant plus lĂ©gitime. C’est sur le terrain que naissent les meneurs. D’ailleurs, la fameuse phrase “Ralliez-vous Ă  mon panache blanc” a Ă©tĂ© prononcĂ©e sur le champ de bataille.

  • L’amnistie de l’Edit de Nantes permet Ă  tous de repartir de zĂ©ro.

đŸ€” Et vous que retenez-vous ? Dites-le moi dans les commentaires sur le blog !


đŸ“ș Une vidĂ©o bonus

Cette semaine, je vous propose de nous rejoindre le jeudi 29 septembre Ă  18h45 pour le premier live streaming d’Azzzap sur Youtube. DĂ©couvrez le programme ici et n’oubliez pas de cliquer sur la cloche pour ĂȘtre averti du dĂ©but du live !


Voici les ressources nécessaires à la préparation de cette newsletter : 

📚 “Henri IV”, Jean-Christian Petitfils et l’article d’Historia sur Henri IV par le mĂȘme auteur

📚 Le site Histoire Par l’Image

📚 Histoire de France, Jacques Bainville

📚 Le Dictionnaire de l’Histoire


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Bonne semaine Ă  tous !

Si vous dĂ©tectez une ou des fautes, n’hĂ©sitez pas Ă  me le signaler par mail en rĂ©ponse Ă  ce message.

â€‹đŸ™‹â€â™‚ïžâ€‹Alexandre

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2 Comments
Romain
Sep 21, 2022Liked by Alexandre Zermati

Ce que je retiens c'est qu'Henri IV utilisait une technique moderne pour rallier tout le monde avec lui, c'est la peinture ! Qui plus est de l'art, qui peux remettre en cause l'art ? Aujourd'hui nous arrivons mĂȘme pas Ă  le faire avec la tĂ©lĂ© đŸ€”. En tout cas pour certains 😅.

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1 reply by Alexandre Zermati
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